5. Proust était-il un opportuniste qui cachait ses préférences sexuelles pour être publié ? 

5- Proustaverses 

Marcel Proust est un opportuniste qui veut absolument être publié et c’est pourquoi – nous paraphrasons André Gide, directeur de la Nouvelle Revue Française et futur prix Nobel – cache lâchement son homosexualité derrière les nombreux engouements hétérosexuels du placard littéraire. André Gide a continué à lui en vouloir, même après avoir refusé le premier manuscrit de Proust sans avoir été lu. 

5- Les proustophiles 

Que l’histoire selon laquelle Gide n’a même pas ouvert le paquet contenant le manuscrit de la première partie de la RTP (rappelez-vous l’histoire du nœud compliqué qui l’entoure) soit vraie ou non, cela ne change rien au fait que Gide a rejeté le manuscrit parce qu’il trouvait Marcel Proust snob dilettante, un amateur sans goût, sans style et sans métier, bref un maladroit qui ne méritait pas d’être publié par la prestigieuse N.R.F. Nous écrivons novembre-décembre 1912. Le premier tome « Du côté de chez Swann » est publié par Grasset aux frais de Proust et connaît un succès commercial modeste. Mais la guilde littéraire française reconnaît son talent d’écrivain et fait l’éloge du livre comme une innovation littéraire. Le Grand Marcel est né. 

Le 11 janvier 1914, Gide écrit à Proust avec une profonde génuflexion : 

Mon cher Proust4, 

Depuis quelques jours, je n’ai pas quitté votre livre ; J’en abuse avec délice. Hélas, pourquoi me doit-il être si pénible de l’aimer tant ?… Le rejet de ce livre restera l’erreur la plus grave de la N.R.F. – et (parce que j’ai honte d’en être en grande partie responsable) l’un des regrets et des remords les plus brûlants de ma vie. Sans doute je crois qu’il faut y voir un destin implacable, car il ne suffit pas d’expliquer mon erreur de dire que je m’étais fait une image de vous à partir de quelques rencontres dans la « société » remontant à près de vingt ans. Pour moi, tu étais resté celui qui fréquente Mme X et Z – celui qui écrit dans le Figaro. Je vous ai cru, dois-je vous avouer ? d’être « du côté de Verdurin » ; Un snob, un amateur mondain – quelque chose ne pourrait pas être plus malheureux pour notre magazine. 

 

Je ne me le pardonnerai jamais, et ce n’est que pour soulager un peu ma douleur que je vous avoue ce matin, en vous priant d’être plus indulgent avec moi que je ne le suis avec moi-même. 

ANDRÉ GIDE 

L’aimable Marcel répond par un subtil coup de genou.  

12 ou 13 janvier 1914. 

Mon cher Gide5, 

J’ai souvent trouvé que certaines grandes joies ont pour condition qu’on nous a d’abord privés d’une joie de moindre qualité, que nous méritions, et sans le désir de laquelle nous n’aurions jamais pu connaître l’autre joie, la plus belle. Sans le refus, sans les refus répétés de la N.R.F., je n’aurais pas reçu votre lettre. Et si les mots d’un livre ne sont pas entièrement muets, si (comme je le crois) ils sont comme une analyse spectrale et nous renseignent sur la composition interne de ces mondes lointains que sont d’autres êtres, il n’est pas possible qu’ayant lu mon livre vous ne me connaissiez pas assez bien pour être certain que la joie de recevoir votre lettre surpasse infiniment la joie que j’aurais eue d’être publié par la N.R.F. 

 

Si vous regrettez de m’avoir fait de la peine (et vous l’avez fait d’une autre manière, mais je préfère vous le dire en personne, si jamais ma santé me le permet), je vous prie de ne pas avoir de regrets, car vous m’avez donné mille fois plus de plaisir que vous ne m’avez fait de peine. 

 

Eh bien, ce plaisir, plus heureux que le voyageur, je l’ai enfin eu, non pas comme je le pensais, non pas quand je le pensais, mais plus tard, mais différemment, et beaucoup plus grand, sous la forme de cette lettre de vous. 

Votre sincère dévouement et votre gratitude 

MARCEL PROUST 

Marcel ne se laisse pas abattre et réagit avec une subtilité ironique qui frappe plus fort qu’un coup de pied de mule. 

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